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Modélisation numérique d'écoulements de mousse liquide

Dans le cadre de ma thèse, je résous numériquement un modèle visco-élasto-plastique continu que je compare à des expériences d'écoulements de mousses bidimensionnels bien caractérisés et qui mettent en évidence toute la richesse du comportement mécanique de la mousse. La combinaison d'ingrédients simples permet de reproduire qualitativement et quantitativement ce comportement complexe ; ces résultats montrent que le cadre de la mécanique des milieux continus est suffisant pour décrire des matériaux avec une structure discrète et désordonnée.

Les mousses liquides sont constituées de bulles de gaz emprisonnées dans un réseau continu de liquide. Cette structure simple leur confère des propriétés mécaniques complexes, non linéaires par rapport à la déformation appliquée : à l'équilibre, les bulles serrées les unes contre les autres sont dans un minimum d'énergie locale qui correspond à une certaine topologie du réseau (a). Si l'on applique une contrainte suffisament faible, les bulles se déforment sans modifier cette topologie mais emmagasinent de l'énergie dite élastique qui tend à les ramener à leur configuration initiale (b). La mousse se comporte alors comme un solide, on lui associe un module élastique. Lorsque la contrainte imposée dépasse une contrainte seuil, les bulles préfèrent se réarranger pour relaxer cette contrainte, on parle d'évènement plastique ((c) et (d)). Enfin, le liquide présent aux interfaces entre bulles est responsable d'une dissipation visqueuse.

écoulements de mousse

Les mousses possèdent donc un comportement visco-élasto-plastique à l'instar de matériaux complexes comme certaines émulsions, les micelles géantes, certaines pâtes, mais sont beaucoup plus facilement expérimentables et observables. Des travaux menés dans l'équipe de François Graner montrent que les mousses peuvent être étudiées dans le cadre de la mécanique des milieux continus, c'est-à-dire sans s'intéresser au mouvement individuel des bulles mais en considérant plutôt des moyennes dans le temps et dans l'espace. L'objectif de la thèse est de résoudre numériquement le modèle proposé par Pierre Saramito en 2007, qui unit viscosité, élasticité, et plasticité dans le cadre de la mécanique des milieux continus et de réaliser des comparaisons directes avec des expériences. Le modèle est caractérisé par quatre paramètres : un module élastique, deux viscosités, et une déformation seuil.
modèle

Le modèle est résolu avec une méthode d'éléments finis par un code que j'ai réalisé en C++ à l'aide de la librairie RHEOLEF.
Dans un premier temps, l'étude d'écoulements de cisaillement simple entre deux plans parallèles ou deux cylindres concentriques a permis de bien comprendre le modèle et d'en ajuster les paramètres ; ces écoulements sont caractérisés par la localisation de la vitesse et du cisaillement près des bords mobiles. Pour ces deux géométries, nous avons mis en évidence le fait que cette localisation est un effet de l'hétérogénéité de la contrainte élastique : au dessus du seuil, la mousse s'écoule, en dessous, elle se comporte comme un solide élastique ; ceci nous a permis de caractériser la contrainte seuil de la mousse. L'étude du régime transitoire a permis par ailleurs de caractériser les propriétés élastiques.

Debregeas et al. PRL 2001 Wang et al. PRE 2006


Benjamin Dollet et Christophe Raufaste ont réalisé des expériences d'écoulements de mousse autour d'obstacles ; cette géométrie, plus complexe, fait apparaître toute la richesse du comportement visco-élasto-plastique des mousses, ce qui permet de contraindre plus fortement les modèles. La conjonction de ces trois propriétés génère des comportements non-triviaux comme une asymétrie amont/aval qui persiste aux très basses vitesses, ou encore une portance inverse dans le cas d'obstacles en forme d'aile d'avion. Par ailleurs, ces expériences ont été réalisées en faisant varier tous les paramètres de contrôle sur de larges plages, et fournissent ainsi une batterie de tests suffisament contraignants pour valider un modèle. En particulier, nous étudions une expérience de mousse humide (fraction liquide élevée, déformation seuil faible) et une expérience de mousse sèche (fraction fluide faible, déformation seuil élevée).
Mousse humide Mousse sèche
expérience de B. Dollet expérience de C. Raufaste

Les résultats obtenus montrent que l'accord avec l'expérience est à la fois qualitatif et quantitatif. En particulier, le modèle est capable de reproduire l'asymétrie amont/aval observée à basse vitesse en expérience. Une animation de cet écoulement réalisée à partir des calculs est disponible >ici<.

comparaison avec l'expérience de C. Raufaste
(comparaison entre le modèle en haut et l'expérience mousse sèche en bas ; vecteur vitesse dans le référentiel de la mousse (flèches) et lignes de courant associées ; tenseur de déformation élastique (cercles : le diamètre est proportionnel à la norme du tenseur, le trait indique la direction de plus grande élongation).

Publications

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